Présentation du
Rite Opératif de Salomon Ampliatif et de Tradition
(R.O.S.A.T.)

Mes très chers FF et mes très chère SS, quelques amis m’ont sollicité pour rédiger une présentation rapide du Rite Opératif de Salomon Ampliatif et de Tradition connu par son acronyme  R.O.S.A.T. .

En effet, alors que les principaux rites maçonniques sont installés en France depuis longtemps (je n’ouvrirai pas ici cette histoire bien développée dans plusieurs ouvrages…) le rite qui nous occupe est à ma connaissance le plus récemment arrivé dans le paysage maçonnique.

Là aussi, une histoire du rite, l’histoire de son origine et de sa diffusion dans la maçonnerie française peut en être faite, et commence à l’être, comme on peut le lire dans un ouvrage collectif publié par Détrad en 2014 « OITAR 1974-2014 – Renaissance d’une Franc-Maçonnerie Initiatique et Traditionnelle ».

On trouve dans cet ouvrage la grande et la petite histoire de l’Ordre Initiatique et Traditionnel de l’Art Royal et, pour ce qui nous occupe aujourd’hui, la retranscription posthume de conversations à plusieurs voix avec feu mon père Jacques de La Personne (paix à son âme) qui est l’auteur de notre rite et sur lequel il s’exprime largement. Je ne saurais trop vous inviter à cette lecture naturellement très édifiante.

Je vais pour ma part tenter de restituer ici l’intention du rite telle que j’en conserve l’empreinte après de multiples conversations et d’échanges avec mon très cher père. Il nous manque cruellement.

Mais le rite aussi a son histoire et je voudrais tout d’abord en faire un récit très succinct et synthétique pour mieux situer notre pratique par rapport à la maçonnerie en général et par rapport au OITAR en particulier.

(UNE COURTE HISTOIRE DE LA GENÈSE DU RITE)

Mon père, Jacques de La Personne est initié en 1959 au G.O.D.F. dans la L:. « Les Inséparables du Progrès ». Très vite il en devient le VMO et s’engage pleinement dans la vie de l’Ordre. C’est un ami proche de Fred Zeller (qui deviendra Grand Maître du G.O.) et de la mouvance politique (à la gauche du Parti Socialiste) qu’il représentait (cette dimension « sociétale » étant comme vous le savez très prégnante au G.O.D.F.) Mais l’expérience initiatique domine rapidement les centres d’intérêts de notre frère. Il s’engage dans une recherche passionnée de rituels anciens plus porteurs de symbolisme que les versions très édulcorées (les « cahiers bleus ») en circulation dans les LL du G.O. des années 60…

Cette recherche est à l’origine de notre rite.

C’est donc à la commission des rituels du G.O. (commission qu’il présidera un moment) qu’il entreprend, dans le sillage de René Guilly, un travail de fond sur le Rite Français, qui débouchera sur une version non édulcorée du Rite Français : « Le Rite Français de Tradition Rétablie » (ou Rénovée…). Ce rite recevra l’aval du Conseil de l’Ordre et les LL pourront en faire la demande en remplacement du « Rite Groussier », (version très laïque du Rite Français) diffusé à l’époque (nous sommes à la fin des années 60).

C’est en poursuivant ce travail de restitution des symboles occultés, que le Rite Opératif de Salomon verra aussi le jour au sein d’une nouvelle loge crée au G.O. en 1971 (je crois) : la Loge « Les Hommes ». Cette Très Respectable Loge est toujours active et  cette première version du Rite Opératif de Salomon est aussi reconnue par le G.O.. Plusieurs LL de l’Obédience historique pratiquent encore cette version du rite aujourd’hui.

Mais l’évolution du rite vers la mixité et la souveraineté des LL rend nécessaire la création d’un cadre plus favorable au développement de sa pratique et, en 1973 la Loge « Les Fondateurs » est créé en marge du G.O. par des FF de la Loge « Les Hommes ». Cette nouvelle Loge sera à l’origine du O.I.T.A.R. un an plus tard.

Le Rite Opératif de Salomon va pouvoir exprimer ses particularités notables et qui sont aussi et encore celles de notre R.O.S.A.T…

Venons-en donc à ces aspects particuliers du Rite Opératif de Salomon qui motivent d’ailleurs son existence.

(UN RITE ORIGINAL DANS LE PAYSAGE MAÇONNIQUE)

J’articulerai mon propos en trois temps : (1) Un rite ouvert sur le monde ; (2) Un rite Initiatique ; (3) Le R.O.S. et le R.O.S.A.T. …

Tout d’abord, il y a un noyau dur du rite qu’ont en partage le R.O.S. et le R.O.S.A.T. et relatif à une double contrainte d’ouverture au monde et (en même temps comme on dit aujourd’hui…) de dimension et pratique initiatiques.

(1) L’ouverture sur le monde se caractérise déjà par une ouverture à la mixité (qui n’est cependant pas une obligation : la souveraineté de la Loge s’imposant) en considérant que le symbolisme maçonnique est universel et, non pas seulement, l’apanage des hommes.

(On pourrait d’ailleurs faire écho avec l’Alchimie, cette autre forme du travail à la Gloire du Grand Œuvre Universel, et des Adeptes, des femmes, ayant comme Sabine Stuart de Chevalier laissé témoignage de leur magistère.)

L’ouverture s’illustre ensuite par une prise de distance avec un processus de recrutement des profanes articulé par le « passage sous le bandeau ». Le rite, même s’il conserve symboliquement ce moment dans le parcours du récipiendaire, propose un dispositif plus progressif et mieux respectueux d’une égalité de principe (la source prenant origine au Rite Français y oblige…) entre Maçons et Profanes.

Ce dispositif original correspond à ce que nous appelons « la Galerie ».

Il s’agit d’une réunion, aussi ouverte que possible, entre les membres de la Loge et des profanes intéressés par notre démarche et présentés par des SS et FF de l’atelier.

Dans ce cadre privilégié, nous organisons un tour de table où chacun, maçon ou non se présente et dit son attitude vis-vis-vis de la maçonnerie (cf : « pourquoi je m’intéresse à la démarche maçonnique ;  qu’est-ce que j’y cherche ; qu’est-ce que j’y trouve… »)

Ces réunions, en général au nombre de trois sur une année, sont l’occasion aussi d’un premier contact avec un rituel pour situer le cadre symbolique du travail maçonnique. C’est aussi l’occasion de présenter l’histoire de la Franc-Maçonnerie, la diversité des familles maçonniques et des rites, le symbolisme, la démarche initiatique et les aspects propres au rite au sein duquel nous travaillons.

Chaque réunion est ponctuée naturellement d’agapes fraternelles et amicales où la spontanéité de chacun, parfois contenue en Galerie, peut s’exprimer plus librement.

Naturellement cette ouverture sur le monde s’interdit toute discussion à caractère politique, religieux ou concernant des personnes.

Ces réunions, en présentant la diversité des approches maçonniques nous donnent l’occasion de préciser (2) le contenu initiatique de notre démarche. Elles sont aussi une préparation aux épreuves de l’Initiation.

Dans notre rite, (a) l’initiation est une épreuve assez physique et, sans renouer avec des pratiques d’un autre âge, la dimension symbolique des épreuves passe par un vécu dont le caractère concret est disons… « opératif ».

Le passage au Cabinet de Réflexion est propice à une longue méditation et Les épreuves initiatiques sont vécues sans édulcoration excessive…

Précisons bien sûr qu’il n’y a pas d’atteinte à l’intégrité physique ou morale des personnes.

Si cette description vous interroge le mieux est alors de solliciter les FF et SS  de nos ateliers ou, mieux encore, de venir nous visiter…

Dans nos loges, (b) nous insistons sur le rituel à l’ouverture et à la fermeture des travaux.

Là réside une part essentielle du travail et le temps consacré (environ 45’ pour l’ouverture complète en loge) en témoigne. L’appel au travail, très solennel, sur les parvis sonne le début du processus de rassemblement de ce qui est épars. La loge se constitue peu à peu, ses accès sont gardés, ses oeuvriers contrôlés, le tableau de loge physiquement recomposé, la lumière révélée. Les travaux reprennent force et vigueur… A minuit plein, le salaire reçu, nous nous retirons en gardiens des secrets des nombres et du trait et nous promettons par notre exemple de témoigner dans le monde profane des vérités acquises d’une lumière désormais voilée pour un temps…

Naturellement la plupart des Maçons peuvent se retrouver dans cette évocation.

Mais notre souci constant est de maîtriser le rituel dans ses paroles et ses gestes et, surtout de percevoir, d’incarner et de transmettre l’énergie spirituelle qu’il porte par un véritable exercice de Théâtre Sacré….

Le rôle du Vénérable et celui de l’expert sont déterminants bien sûr, mais tous les officiers et, davantage, tous les membres de l’atelier, les apprentis, les compagnons, sont concrètement inclus dans ce mouvement pour reconstituer le tapis de loge. La loge entière passe « de la puissance à l’acte ».

Dans ces moments rares et privilégiés, l’égrégore est présent.  Les conditions de l’initiation sont en place. Le Travail peut commencer…

Sur nos Colonnes la parole circule librement et (c) l’oralité est la règle.

Sur un sujet donné, il peut y avoir un « exposé introductif » ou « d’ouverture » sur un thème symbolique mais, en aucun cas une « planche », qui aurait à nos yeux outre le défaut d’être lue, ce qu’on cherche à éviter (sans tomber dans l’excès), celui de monopoliser un temps excessif (plus de 10 minutes) et celui de se donner comme exposé exhaustif sur un sujet.

En effet, nous recherchons l’émergence d’une parole vive dans la loge, ouverte, circulante, vivante, bienveillante et parlée « avec le cœur » !

Nous fuyons les exposés livresques et desséchés, fruits de compilations parfois brillantes mais souvent désincarnées et au final… un peu indigestes pour l’auditoire.

Naturellement, nous pouvons solliciter pour des tenues blanches ouvertes ou fermées, la compétence reconnue de personnalités remarquables qui peuvent par leur érudition et leur intelligence nous informer ou nous instruire sur leur champ d’expertise. Dans ce cas, le mode de la conférence s’impose bien entendu mais il ne s’agit plus de travail initiatique. Il s’agit seulement de didactique.

Chez nous, la transmission initiatique passe aussi par  (d) l’instruction traditionnelle (ce qu’on appelait jadis le « catéchisme maçonnique ») par Demandes et Réponses. Le surveillant de colonne conduit ses oeuvriers dans ce travail préparatoire qui se fait en principe au même rythme que les tenues et les précèdent. Il ne s’agit pas seulement d’en faire une lecture mais bien davantage d’en trouver support à recherches personnelles et méditation. Tout l’enseignement et les secrets de la maçonnerie y sont contenus en puissance. Les enseignements reçus dans les degrés postérieurs à la maîtrise sont bien souvent des développements de thèmes déjà annoncés dans ces catéchismes…

Mais la plupart du temps un travail qui se réduirait à la participation, fut-elle intense, aux tenues maçonniques ne serait au mieux qu’un travail virtuel au sens où René Guénon parlait d’Initiation Virtuelle. Certes c’est déjà quelque chose mais le rite propose davantage.

Il propose au maçon – (e) d’actualiser son initiation en s’ouvrant à d’autres expériences mobilisant aussi le corps, la respiration et des techniques de méditation. Le maçon du R.O.S.A.T. (comme celui du R.O.S.) est invité à découvrir des affinités avec d’autres techniques comme les Yogas, Le Soufisme, le Zen, etc.

On lui propose aussi une « Règle Spirituelle »…

L’O.I.T.A.R. échaudé par une époque où le G.O. y voyait le risque d’émergence sectaire, a remisé dans un coin cette disposition – la règle spirituelle – pourtant écrite et partie intégrante du rite. Saurons-nous faire mieux ? La question est ouverte et finalement posée aux LL de Salomon de l’O.F.U…

(SPECIFICITES DU RITE OPERATIF DE SALOMON AMPLIATIF ET DE TRADITION)

Mais d’autres aspects nous amènent à (3) distinguer quelques nuances entre notre R.O.S.A.T. et le R.O.S. en vigueur au O.I.T.A.R.

  • La première de ces différences concerne le rôle central de la dimension compagnonnique du rite. En effet, le rite cherche à s’inscrire dans une pratique où le travail sur la Géométrie et « l’Art du Trait » prend une place déterminante dans l’organisation des travaux sur l’année. Ainsi, outre les travaux de Cayenne au second degré, le rite articule comme ampliation du compagnonnage, les travaux en atelier de Maçon de la Marque avant la maîtrise. Il faut bien reconnaître qu’à ce jour, aucune loge de Salomon de l’O.F.U. n’a réalisé cet objectif. Mais nous y travaillons et une mise en place pour fin 2019 est vraisemblable.
  • Par contre nous avons en commun (avec l’O.I.T.A.R.) une éthique compagnonnique qui peut s’illustrer par un (b1) souci d’égalité s’illustrant par le port de la canne à pommeau et surtout, le nom compagnonnique, qui nous distinguent un peu des autres rites où ces manières n’ont pas cours. Mais l’éthique du compagnon c’est aussi (b2) l’ouverture vers les autres maçons et les autres rites par la nécessité des « voyages » sur d’autres orients. L’éthique c’est encore la recherche de (b3) l’excellence du métier et la réalisation d’un Chef-d’œuvre au retour du « voyage » à l’instar des Compagnons du Tour de France. (Il doit être clair aussi que nous n’imaginons pas un instant devenir pour autant des Compagnons Opératifs… la lucidité sur ce point doit s’imposer aussi à nos critiques)
  • Pour conclure sur le chapitre des différences, le R.O.S.A.T. est foncièrement un rite de « maçonnerie bleue » (craft masonery) ou « maçonnerie du métier ». Son créateur le voulait ainsi. La version du rite pratiquée au O.I.T.A.R., le R.O.S., a évolué en une structure en 9 degrés inspirés en partie par le REAA avec un  Suprême Conseil  au sommet. Pour notre part nous terminons le parcours au sein du rite par un seul degré après la Maîtrise : le « Maître Noachite ». Par ailleurs, ce degré d’ampliation ne correspond pas à un atelier de perfectionnement spécifique. C’est plus simplement un degré pratiqué au sein d’une loge bleue par les MM concernés. En effet, notre lecture de la  Souveraineté de la Loge  interdit à nos yeux toute structure en surplomb de la loge et de son VMO. Nous travaillons à ce jour à la mise en place du degré dans nos ateliers.

Naturellement il y aurait encore beaucoup à dire, et tout le travail reste à faire… Mais à chaque jour suffit sa peine, j’arrête donc ici ce propos de présentation déjà trop long.

Avec bienveillance et fraternité j’ai dit.

E. dLP.