La Sagesse
(Tenue Œuvriers de Salomon du 01 décembre 2018)
VMO, SS et FF en vos Degrés, Qualités et Fonctions.
Le sens philosophique de la sagesse est la modération, le calme supérieur joint aux connaissances. Descartes définissait la sagesse comme la « parfaite connaissance de toutes les choses que l’homme peut savoir ». C’est la fameuse Sophia.
Dans un sens religieux, la Sagesse est Dieu lui-même, c’est-à-dire la Sagesse incréée, éternelle.
Dans un sens plus spécifiquement judéo-chrétien, c’est la Connaissance inspirée des choses divines et humaines. Ainsi, un des sept dons du Saint-Esprit est précisément la Sagesse. Dans l’Ancien Testament, il y a aussi le Livre de Sagesse, attribué à Salomon et non reconnu dans la Bible hébraïque. Salomon y précise qu’il a invoqué Dieu et que l’esprit de Sagesse est venu en lui.
Mais le Livre de Sagesse, c’est aussi celui d’où est extrait la fameuse expression selon laquelle Dieu a tout réglé selon les nombres, mesures et poids…
Maintenant revenons à notre rituel du premier degré.
En Tenue de Loge, lors de l’allumage de l’étoile centrale du Chandelier à 7 branches, le VMO formule « Que la Sagesse les dirige ».
Puis, l’étoile d’un des 3 Piliers, celui placé à l’angle sud-est et précisément attribué à la Sagesse, est allumée par l’Expert qui formule « Que règne la Sagesse ». Enfin, lors de la fermeture de la Loge, lorsque l’Expert éteindra cette même étoile, il formulera « Je reçois ».
Voilà donc trois expressions sur la Sagesse exprimées dans notre rituel.
Reprenons-les brièvement.
« Que la Sagesse les dirige » : cette injonction est formulée par le VMO, qui est précisément considéré comme représentant l’Orient. Dès lors, ce serait l’Orient qui dirigerait les Travaux, par son intermédiaire. Là, on peut s’interroger sur la signification réelle de cet Orient ?
Puis « Que règne la Sagesse ». L’invitation à la direction des Travaux par la Sagesse se précise en ce sens que non seulement la Sagesse doit les diriger mais elle doit régner, c’est-à-dire exercer un pouvoir absolu, ou, tout au moins, avoir une influence prépondérante.
Enfin, « Je reçois ». Là, il est clair que nous sommes en état de réception de quelque chose qui nous dépasse, sans doute un peu de cette Sagesse divine, mais cette transmission – ce don de Sagesse même, pour être plus précis -, ne peut évidemment s’envisager que si sommes dignes de le recevoir.
On le voit, ces trois expressions rituelles laissent supposer, quand même, que cette Sagesse concerne un Ordre supérieur, cosmique ou divin, chacun l’appellera comme il le souhaite, mais il me semble que l’important est de comprendre que cet Ordre n’est pas à notre échelle.
À ce propos, juste une remarque sur le Pilier Sagesse. Comme les Piliers Force et Beauté, vous aurez constaté que ces trois Piliers ne soutiennent rien, si ce n’est, d’une certaine façon, la voûte céleste. Ce qui montre bien qu’il s’agit de Piliers non-humains, si je puis dire, et qu’ils font référence à un autre ordre de réalité que celui du monde manifesté.
Cela pourrait rejoindre l’invocation que nous formulons « À la gloire du Grand Architecte de l’Univers. » Après, chacun sera à même d’y plaquer ce qui lui semblera le plus pertinent, pour désigner cette Sagesse incréée. Nous sommes en Maçonnerie, ni en Philosophie, ni en Religion.
Pourtant, le Maçon curieux pourrait être interpellé par ce que les Écritures nous disent sur la Sagesse, à savoir qu’elle n’est révélée qu’aux petits, parfois même aux fous, et qu’elle s’est cachée aux intelligents et aux sages !
Non pas qu’il s’agirait de donner la primauté à la Sagesse divine, au détriment de la sagesse humaine, auquel cas ce qu’on appelle à juste titre le fanatisme religieux se substituerait à tout questionnement et le fanatisme, quelle que soit sa nature d’ailleurs, reste étranger au Maçon.
Non, s’agirait-il sans doute de ne pas limiter la Sagesse divine à ce que l’on pourrait appeler un Ordre, avec un O majuscule. Cet Ordre qui est responsable de l’incroyable ordonnancement de la nature, mais aussi des saisons, des planètes, et tout le reste.
Or, et c’est là la surprise, nous avons affaire à un Ordre qui nous dépasse et dans lequel nous ne maîtrisons rien. Par exemple, collectivement, en tant qu’espèce humaine, on peut dire que nous y sommes insignifiants. Quant au plan individuel, cet Ordre ne nous voit même pas, si l’on peut dire !
C’est un peu comme quand nous-mêmes, nous écrasons un minuscule insecte, sans aucune raison et sans qu’il y ait un quelconque danger. On l’écrase, c’est tout, il est tellement petit ! L’insecte, lui, ne saura jamais pourquoi et comment il aura été écrasé…
Et bien cet Ordre cosmique, avec un O majuscule, connaît le même processus vis- à-vis de chacun d’entre nous. Cet Ordre a sa logique, sa Sagesse, mais son échelle n’est pas humaine. Aussi, pour nous, et là est le paradoxe, cet Ordre peut nous apparaître parfois injuste, quand ce n’est pas déraisonnable.
Cela me rappelle un exemple que je prends parfois, car je le trouve parlant, c’est celui des volcans. Le volcan explose parce qu’il doit exploser, comme la soupape de la cocotte-minute. Son explosion, qui a sa logique et même sa légitimité sur le plan terrestre, voire cosmique, provoque des milliers de victimes. Le volcan se moque éperdument de tuer des humains, des animaux, des végétaux. Il ne fait pas cela pour faire le mal, sa logique est au-delà du bien et du mal. Pourtant, à notre niveau, il nous fait du mal. Et comble de paradoxe, l’humain va revenir s’installer sur les flancs désormais fertiles du volcan… jusqu’à sa prochaine éruption. Chacun, le volcan et l’humain, auront obéi à leur nécessité, à leur ordre.
Il eut été plus logique que l’humain évite de vivre près du volcan mais non, la nécessité humaine fait qu’il choisit de revenir s’y installer, pour se nourrir, lui et les siens. Il invoquera ensuite quelques improbables divinités pour le protéger… Et la boucle sera bouclée…
Alors finalement, oui, cette Sagesse à laquelle notre Rituel fait allusion, manifestement c’est bien celle d’un Ordre supérieur. Mais, peut-être, s’agirait-il d’un Ordre d’une autre nature que l’Ordre cosmique auquel je fais allusion ?
Il n’en demeure pas moins que la sagesse humaine, du coup peut-on la nommer ici en tant que telle, garde ses propres champs de réalisation et de légitimation. Pour les Maçons, par exemple, une pratique effective de la fraternité pourra répondre à cette légitimation. Elle pourra même être une réaction juste à une directive injuste de la Sagesse divine, injuste du point de vue humain.
Pour autant, s’agissant de sagesse humaine, on comprendra mieux pourquoi elle se révèlera si souvent imparfaite, même chez les Maçons. Mais, en même temps, elle pourra permettre au Maçon d’être perfectible, c’est-à-dire qu’il sera susceptible de s’améliorer, d’acquérir de la sagesse humaine.
Alors nos Rituels jouent constamment sur des va-et-vient entre sagesse humaine et Sagesse divine. Ainsi, Sœurs et Frères, en est-il dans la Chaîne d’Union : la main droite donne, tournée vers la Terre… la main gauche reçoit, tournée vers le Ciel… N’y aurait-il pas comme la volonté de recevoir de la Sagesse divine et de donner de la sagesse humaine.
La main gauche reçoit, souvenez-vous de la formule exprimée lors de l’extinction de l’étoile du Pilier Sagesse : « Je reçois »…
Entre Terre et Ciel, telle est la position du Maçon, debout, c’est sa force ; mais aussi, tout petit, c’est sa faiblesse.
VMO, j’ai dit.
AUDOIS, LA JUSTESSE DE L’OEUVRE.
L’ensemble de nos travaux est disponible ici